J.O. Numéro 15 du 18 Janvier 2002
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Texte paru au JORF/LD page 01065
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 2001 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2001-455 DC
NOR : CSCL0101526X
LOI DE MODERNISATION SOCIALE
I. - En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance des règles de compétence de l'article 34 de la Constitution
Selon l'article 118, paragraphe II, de la loi, les entreprises occupant plus de mille salariés qui procèdent à une fermeture partielle ou totale d'un établissement, d'un atelier ou d'une ligne de produits doivent prendre des mesures de nature à permettre la réactivation du bassin d'emploi concerné. La participation de l'entreprise ne pourra être inférieure à une fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé sans être supérieure à quatre fois la valeur mensuelle de ce même SMIC. C'est le préfet qui fixera le montant de cette participation financière. Enfin, au cas où l'entreprise ne signerait pas avec l'Etat la convention dans laquelle doivent être définies et précisées ces mesures, la loi prévoit qu'elle devra s'acquitter du montant maximum par emploi supprimé auprès du Trésor public.
Du fait que le montant de la participation financière de l'entreprise est fixé unilatéralement par le préfet et qu'en cas d'absence de convention de mise en oeuvre de ces actions de conversion elle est due au Trésor public, non pas au titre d'une sanction, mais comme substitut à l'absence d'accord entre l'Etat et l'entreprise, cette contribution, en toute hypothèse obligatoire à la charge des entreprises occupant plus de mille salariés et procédant à la fermeture partielle ou totale de sites, présente le caractère d'une imposition de toutes natures au sens de l'article 34 de la Constitution.
Or, selon une jurisprudence constante relative aux « impositions de toutes natures », le Conseil constitutionnel a décidé :
Premièrement, qu'il appartient au législateur, lorsqu'il institue une imposition, d'en déterminer librement l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement, sous réserve des principes et règles de valeur constitutionnelle et compte tenu des caractéristiques de l'imposition en cause.
Ainsi, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose (2000-437 DC du 19 décembre 2000). De même, s'il appartient au législateur d'apprécier les facultés contributives des contribuables, cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques et mettre à la charge d'un contribuable un impôt disproportionné par rapport à ses facultés contributives.
Deuxièmement, que si l'article 34 de la Constitution réserve à la loi la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, il ne s'ensuit pas que le législateur doive fixer lui-même le taux de chaque impôt. Il lui appartient seulement de déterminer les limites à l'intérieur desquelles le pouvoir réglementaire est habilité à arrêter le taux d'une imposition (2000-442 DC du 28 décembre 2000).
Les sénateurs soussignés estiment qu'en adoptant l'article 118, paragraphe II, le législateur a porté atteinte à ces règles et principes de valeur constitutionnelle.
En effet :
- d'une part, le législateur a méconnu le champ de sa propre compétence en laissant au préfet un pouvoir exorbitant quant au taux de la contribution demandée ;
- d'autre part, le législateur a imposé une contribution disproportionnée aux facultés contributives d'une entreprise qui, en l'occurrence, a des difficultés économiques ;
- enfin, le législateur, en cas de versement au Trésor public, n'a pas prévu l'affectation de ces sommes à la création d'activités dans le bassin d'emploi en question, contrairement à l'objectif poursuivi par la loi.
L'article 118 doit donc être déclaré contraire à la Constitution.
II. - En ce qui concerne les griefs tirés du défaut de clarté, d'intelligibilité de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Le Conseil constitutionnel a affirmé que l'exigence de clarté de la loi était un principe de valeur constitutionnelle (Cons. constit. 27 juillet 1982 Planification, rec. p. 52, Cons. constit. 2 juin 1987, Nouvelle-Calédonie, rec. p. 34) ainsi que l'exigence d'intelligibilité de la loi (décision du 16 décembre 1999).
De plus, dans cette même décision du 16 décembre 1999, le Conseil constitutionnel a énoncé que « l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la garantie des droits requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ».
Ainsi, le législateur doit exercer pleinement ses compétences afin, soit d'écarter tout arbitraire ou toute incertitude lors de son application (par les sujets de droit, l'administration, le juge), soit d'empêcher les autorités en charge de la mise en oeuvre de la loi (pouvoir réglementaire, autorité administrative indépendante, partenaires sociaux le cas échéant) de s'immiscer inconstitutionnellement dans le domaine de la loi.
En d'autres termes, pour être conforme à la Constitution, la loi :
- doit être suffisamment précise et complète pour écarter tout risque d'arbitraire ou toute incertitude quant à sa portée ;
- ne doit pas être écrite de façon imprécise ou vague de telle manière qu'elle expose ses destinataires à ne pas savoir comment il faut les appliquer ou à se trouver face à plusieurs interprétations possibles ;
- ne doit pas donner aux autorités administratives ou juridictionnelles en charge d'en contrôler l'application des pouvoirs exorbitants qui n'appartiennent constitutionnellement qu'au législateur.
Or, les sénateurs soussignés estiment que des dispositions de plusieurs articles , notamment du titre II de la loi, sont contraires à l'exigence de clarté et d'intelligibilité de la loi.
1. L'article 96
Dans la seconde loi sur la réduction du temps de travail, le Conseil constitutionnel avait censuré une de ses dispositions (dite l'amendement Michelin) - qui instituait à la charge des entreprises, avant l'établissement de tout plan social, l'obligation de négocier un accord de RTT - au motif que le législateur n'avait pas pleinement exercé sa compétence en ne précisant pas les effets de l'inobservation de cette obligation en laissant, en particulier, aux autorités administratives et juridictionnelles le soin de déterminer si cette obligation était une condition de validité du plan social et si son inobservation rendait nulles et de nul effet les procédures de licenciement subséquentes (99-423 DC du 13 janvier 2000).
L'article 96 de la loi - qui reprend le principe de cette obligation - est censé répondre aux griefs formulés par le juge constitutionnel.
Or, les sénateurs soussignés estiment que, de nouveau, la loi n'indique pas expressément si la méconnaissance de l'obligation mise en place est une condition de validité du plan social et si son inobservation rend nulles et de nul effet les procédures de licenciement subséquentes. Elle se contente d'offrir au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel la possibilité de saisir le juge statuant en la forme des référés en vue de faire prononcer la suspension de la procédure et éventuellement de prononcer la nullité de la procédure de licenciement.
Dès lors, il est aisé de démontrer que la loi ne précise toujours pas les effets réels sur les licenciements de l'inobservation de l'obligation préalable de négocier un accord de réduction du temps de travail.
En premier lieu, on peut penser que, si les représentants du personnel ne saisissent pas le juge, la procédure peut continuer alors que l'obligation n'a pas été respectée. A l'occasion d'un contentieux prud'homal engagé par un salarié licencié en application du plan social, on ne sait pas si le conseil de prud'hommes pourra tenir compte de cette inobservation pour prononcer la nullité de la procédure et, partant, la nullité du licenciement. En effet l'article L. 122-14-4 du code du travail prévoit que, « lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 321-4-1, il prononce la nullité du licenciement ». Ce cinquième alinéa dispose que « la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés intégrant au plan social n'est pas présenté aux représentants du personnel... ». Or, cet alinéa ne traite pas de l'obligation préalable de réduire le temps de travail, ce qui laisse à penser que le juge prud'homal ne pourrait pas prononcer la nullité du licenciement.
Dans le cas de figure ci-dessus envisagé - qui n'a rien de théorique -, les effets de l'inobservation de l'obligation de négocier un accord de réduction du temps de travail ne sont toujours pas clairement précisés dans la loi.
En second lieu, il est permis de se demander si le juge est tenu de suspendre la procédure de licenciement, dès lors que la phrase débute par « lorsque le juge suspend la procédure », ce qui peut laisser à penser qu'il n'est pas tenu de le faire. De plus, l'article ajoute que « dès qu'il constate que les conditions fixées par le deuxième ou le troisième alinéa du présent article sont remplies, le juge autorise la poursuite de la procédure ». On peut s'interroger sur l'autorité compétente pour constater que l'obligation est respectée. De même, le juge doit-il attendre l'expiration du délai de fixation qu'il a lui-même fixé en convoquant les parties à cette date, ou doit-il attendre, lorsque l'obligation a été respectée pendant ce délai, que la partie la plus diligente (on pense évidemment à l'employeur qui a tout intérêt à le saisir) revienne vers lui ? Une fois encore, le législateur méconnaît ici le champ de sa compétence.
Enfin, en troisième lieu, le texte indique que si, à l'issue de ce délai, l'obligation n'a pas été respectée, le juge prononce la nullité de la procédure de licenciement. La sanction est alors liée, en partie, à l'ampleur du délai fixé par le juge qui va varier selon les contentieux. Le législateur aurait dû fixer lui-même ce délai pour éviter des différences de traitement selon les juridictions compétentes. Faute de ne pas l'avoir fait, le législateur a, une fois encore, méconnu le champ de sa compétence.
Pour toutes ces raisons, l'article 96 de la loi doit être déclaré contraire à la Constitution.2. L'article 97
Le nouvel article L. 239-1 du code de commerce, tel qu'il résulte de l'article 97 de la loi, débute ainsi : « Toute cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés... ».
Les sénateurs soussignés s'interrogent tout d'abord sur l'acception juridique du terme établissement. Il peut s'agir soit de la notion d'établissement utilisée, par exemple, pour la négociation collective, ou de la notion d'« établissement distinct » qui prévaut pour la détermination du cadre de la mise en place des représentants du personnel. Ils rappellent que s'agissant de cette dernière, la définition varie selon l'institution à mettre en place. Récemment, la chambre sociale de la Cour de cassation a encore modifié sa définition de l'établissement distinct pour la désignation du délégué syndical (Cass. soc. 2 octobre 2001).
La même imprécision entoure la notion d'entité économique autonome. Ce concept est emprunté aux règles relatives aux sorts des contrats de travail en cas de transfert d'entreprises, d'établissements, de parties d'entreprise ou de parties d'établissement. Une directive communautaire du 12 mars 2001 définit le transfert d'entreprise comme « celui d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens, en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ». Le droit communautaire propose ainsi une définition de l'entité économique que la chambre sociale de la Cour de cassation reprend en ces termes : « constitue une entité économique pour l'application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail, un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre » (v. not. Cass. soc. 26 avril 2000 : RJS 2000, no 634).
Or, ces notions (que l'ont retrouve à l'article 106 de la loi) conditionnent la mise en oeuvre des décisions et des consultations prévues à l'article L. 239-1 du code de commerce, et exposent ainsi les sujets de droit à ne pas savoir comment il faut les appliquer et donne aux autorités administratives ou juridictionnelles en charge d'en contrôler l'application des pouvoirs exorbitants qui n'appartiennent constitutionnellement qu'au législateur.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.3. L'article 100
L'article 100 de la loi insère dans le code du travail un nouvel article L. 431-5-1 dans lequel il est fait mention d'une « annonce publique portant exclusivement sur la stratégie économique de l'entreprise et dont les mesures de mise en oeuvre ne sont pas de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi ». Une fois encore, on peut faire à cette formule vague le même reproche d'incompétence négative du législateur en ajoutant que, dans ce cas, le risque d'erreur est, pour le chef d'entreprise, extrêmement pénalisant puisqu'un manquement à cette obligation peut constituer un délit d'entrave (v. dernier alinéa de l'article L. 431-5-1).
Au demeurant, dans le même article , on trouve un alinéa ainsi rédigé : « lorsque l'annonce publique affecte plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les comités d'entreprise concernés ainsi que le comité de groupe et, le cas échéant, le comité d'entreprise européen sont informés ». La signification de l'expression « le cas échéant » permet plusieurs lectures. Première lecture : lorsqu'il existe un comité d'entreprise européen, ce dernier doit être systématiquement informé. Seconde lecture : même s'il existe un tel comité, l'information n'est pas obligatoire et dépend des circonstances (la première lecture est toutefois plus cohérente). Quelle que soit la réponse, le texte devrait organiser plus précisément ces différentes informations (le délai d'information notamment) puisque l'absence d'information de ces comités est passible des peines prévues au dernier alinéa.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.4. L'article 101
Le deuxième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail prévoit que « le comité d'entreprise dispose d'un droit d'opposition qui se traduit par la saisine d'un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3. Pendant la durée de la mission du médiateur, le projet en question est suspendu ».
Le champ d'application du droit d'opposition du comité d'entreprise n'est pas clair. Le Gouvernement avait reconnu cette ambiguïté puisqu'il avait déposé un amendement de clarification lors de la deuxième lecture de la présente loi au Sénat le 9 octobre 2001. L'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement était le suivant : « le présent amendement vise à clarifier le lien entre l'exercice du droit d'opposition et le recours à la médiation : la traduction du droit d'opposition est bien le recours à la médiation » (amendement no 207).
Toutefois, si l'amendement du Gouvernement a été adopté, l'ambiguïté est maintenue et les divergences d'interprétation subsistent. En effet, au cours d'un récent colloque, certains éminents professeurs de droit du travail ont considéré que ce droit d'opposition est indissociable de la médiation puisqu'il se traduit par la saisine d'un médiateur selon les « modalités » prévues à l'article L. 432-1-3 et doit s'appliquer dans les mêmes conditions que la médiation (cessation totale ou partielle d'activité ayant pour conséquences la suppression d'au moins 100 emplois). D'autres personnalités, tout aussi éminentes, du droit du travail considèrent que le comité d'entreprise pourrait y avoir recours en présence de tout projet de restructuration et de compression d'effectifs en invoquant le champ visé à l'article 101, alinéa 3.
L'imprécision de cet article exige qu'il soit déclaré contraire à la Constitution.5. L'article 106
L'article 106 insère un nouvel article L. 432-1-3 dans le code du travail qui prévoit que « le médiateur dispose dans le cadre de sa mission des plus larges pouvoirs pour s'informer de la situation de l'entreprise ». Ces pouvoirs ne sont absolument pas définis.
L'article prévoit plus loin, qu'« en cas d'acceptation par les deux parties, la recommandation du médiateur est transmise par ce dernier à l'autorité administrative compétente. Elle emporte les effets juridiques d'un accord ». On ne connaît pas la nature de cet accord : accord de droit commun ou accord collectif de travail. Or, la différence de régime, juridique entre un contrat et un accord collectif de travail est majeure.
Enfin, si l'on reprend le nouvel article L. 432-1 sur le droit d'opposition du comité d'entreprise, on constate que « ce droit d'opposition induit la nécessité de saisir un médiateur selon les modalités prévues à l'article L. 432-1-3. L'opération projetée est suspendue ». Il faut donc consulter l'article L. 432-1-3. Or, ce dernier prévoit qu'« en cas de projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés, s'il subsiste une divergence importante entre le projet présenté par l'employeur et la ou les propositions alternatives présentées par le comité d'entreprise, l'une ou l'autre partie peut saisir un médiateur, sur une liste arrêtée par le ministre du travail. »
Les sénateurs s'interrogent sur la possibilité pour le comité d'entreprise de saisir un médiateur pour tout projet de restructuration de l'entreprise pouvant comporter des effets sur l'emploi ou, seulement, en cas de projet de cessation totale ou partielle d'activité d'un établissement ou d'une entité économique autonome concernant au moins cent salariés. Une fois encore, la rédaction de la loi empêche son destinataire d'en connaître la portée exacte.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.6. L'article 107
Cet article donne, à l'article L. 321-1 du code du travail, une nouvelle définition du licenciement pour motif économique qui utilise des termes insuffisamment précis ou sans portée normative de nature à susciter le doute chez les destinataires de la règle de droit et, par voie de conséquence, à attribuer des pouvoirs exorbitants aux autorités en charge de leur sanction.
Ainsi, s'agissant de la notion de « difficultés économiques sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen », on offre au juge la possibilité de substituer son choix à celui de l'employeur (v. P.H. Antonmattéi, Dr. soc. 2001, p. 930).
S'agissant de la notion de « nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise », on peut penser qu'elle donnera lieu à un contentieux important tant la formule contient des notions vagues. Il sera bien difficile pour un employeur qui invoquera ce motif d'avoir, si ce n'est une certitude, au moins une idée précise du risque encouru, à savoir le paiement des indemnités liées au défaut de cause réelle et sérieuse.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.7. L'article 108
L'article 108 de la loi complète l'article L. 321-1 du code du travail par un alinéa qui débute ainsi : « le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi... ». Les sénateurs soussignés se demandent si les représentants du personnel et les salariés concernés par le licenciement auront la possibilité de saisir en référé le juge pour obtenir une suspension de la procédure tant que l'employeur n'a pas correctement exécuté l'obligation de reclassement. De même si, après la mise en oeuvre du licenciement, le juge estime que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée, on ne connaît pas la sanction qui sera appliquée : défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement comme la jurisprudence l'admet aujourd'hui ou nullité du licenciement puisque le « licenciement ne peut intervenir ». Une fois encore, le législateur n'a pas ici exercé pleinement sa compétence.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.8. L'article 112
L'article 112 de la loi réforme, à l'article L. 321-4-1 du code du travail relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, les mesures que peut contenir le plan social. Cette liste est importante car la jurisprudence estime qu'un plan social insuffisant entraîne sa nullité et dans son sillage la nullité des licenciements (JP Samaritaine, Cass. soc. 13 février 2001). Or, le texte ne prévoit pas expressément cette hypothèse. Il énonce que la procédure est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan social n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel (actuel alinéa 2 de l'article L. 321-4-1). En d'autres termes, il aurait été nécessaire que le législateur précise les conditions de nullité, d'autant plus que la jurisprudence estime que la possibilité de mettre en oeuvre chacune de ces mesures, pourtant citées à titre d'exemples (« telles que par exemple » dit le texte), doit être recherchée par l'employeur (Cass. soc. 28 mars 2000, arrêt Lasnon).
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.9. L'article 118, paragraphe I
L'article 118, paragraphe I, débute ainsi : « Lorsqu'une entreprise occupant entre cinquante et mille salariés procède à des licenciements économiques susceptibles par leur ampleur d'affecter l'équilibre économique du bassin d'emploi considéré, le représentant de l'Etat dans le département peut réunir... ». Les sénateurs soussignés s'interrogent sur les critères d'appréciation qui seront utilisés par le représentant de l'Etat et sur la possibilité de contester sa décision. Une fois encore, les termes utilisés par le législateur, trop vagues, attribuent une latitude d'action exorbitante au représentant de l'Etat de nature à porter atteinte à divers règles et principes à valeur constitutionnelle, tels que la liberté d'entreprendre.10. L'article 119
Cet article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 321-4-2 du code du travail : « le congé de reclassement est effectué pendant le préavis, dont le salarié est dispensé de l'exécution. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté d'une durée égale à la durée du congé de reclassement restant à courir. Pendant cette période, le préavis est suspendu ». La dernière phrase est difficilement compréhensible. Si le salarié est dispensé de l'exécution du préavis et que l'on prévoit le report de son terme lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée de ce dernier, le préavis ne peut pas être suspendu.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.11. L'article 128
L'article L. 432-4-1 du code du travail est complété par un alinéa qui débute ainsi : « Lorsque le comité d'entreprise a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire..., il peut décider de saisir l'inspecteur du travail... ». Les sénateurs soussignés s'interrogent sur ce qu'est un recours abusif. Le recours aux CDD ou au travail temporaire est fortement réglementé par le code du travail : il y a une liste limitée de cas de recours. Dès lors, de deux choses l'une : ou il y a recours illégal et on connaît les sanctions (civiles et pénales), ou le recours est licite. La notion de recours abusif n'a donc aucun contenu juridique.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.12. L'article 162
Le présent article tend à interdire à un bailleur de demander à un candidat à la location de fournir un certain nombre de pièces : photographie d'identité, carte d'assuré social, copie de relevé de compte bancaire ou postal, attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal.
La portée de cette interdiction est incertaine car pour trois documents énumérés l'original est proscrit, et pour le quatrième la copie est proscrite. Il est manifeste qu'a contrario il est loisible au propriétaire de requérir du candidat l'original du relevé de compte et donc, a contrario, de requérir du même candidat la copie des autres documents.
Sans doute si la demande d'originaux de tous ces documents eut été interdite, la loi eût été suffisamment claire pour être appliquée, l'intention du législateur devant être interprétée comme proscrivant la demande de copies et d'originaux. La rédaction confirmée par l'Assemblée nationale à l'issue d'une longue navette rend cette disposition d'autant plus inapplicable que sa portée n'a pas été éclaircie au cours des débats parlementaires.
Dans sa jurisprudence DC 99-421, le Conseil constitutionnel a précisé le contenu de « l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » en ces termes : « l'égalité devant la loi énoncée par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et "la garantie des droits" requise par son article 16 pourraient ne pas être effectives si les citoyens ne disposaient pas d'une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables ; qu'une telle connaissance est en outre nécessaire à l'exercice des droits et libertés garantis tant par l'article 4 de la Déclaration, en vertu duquel cet exercice n'a de bornes que celles déterminées par la loi, que par son article 5, aux termes duquel "tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas" ».
Or, il est ici manifeste que cet article introduit une restriction dans l'exercice d'une liberté sans que cette interdiction soit précisément définie et délimitée, et ce, conformément au principe constitutionnel qui veut que « tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché ». Cet article doit en conséquence être déclaré contraire à la Constitution.13. L'article 169
L'article 169 de la loi déférée introduit dans le code du travail un nouvel article L. 122-49 définissant et interdisant le harcèlement moral au travail.
Or la définition retenue par le législateur méconnaît à l'évidence l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi.
Selon cette définition, le harcèlement moral d'un salarié est constitué par les agissements répétés « qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ... ». Cette référence à la notion de « droits » est ici pour le moins imprécise et introduit une regrettable ambiguïté, contraire à l'exigence de clarté de la loi. On ne sait en effet de quels droits il s'agit en l'espèce.
Les travaux préparatoires ne permettent pas ici d'éclairer utilement la volonté du législateur. En dépit des demandes de précisions réitérées du Sénat, ni le Gouvernement, ni l'Assemblée nationale n'ont pris la peine de préciser cette notion de « droits » dans le cas d'espèce, l'Assemblée nationale se contentant de renvoyer à la définition proposée par le Conseil économique et social.
Mais le rapport du Conseil économique et social est tout aussi obscur sur le contenu juridique de cette notion de « droits ». Il évoque simplement « la remise en cause des droits du travail : modification de l'exécution du contrat de travail, changements de qualification, prestations, licenciement... » (Avis du Conseil économique et social présenté par M. Michel Debout, 17 avril 2001, p. 60). Le Conseil économique et social semble donc faire ici référence à la seule violation du droit du travail.
Dès lors, de deux choses l'une : soit cette notion de « droits » renvoie à la seule violation du droit du travail et il devient alors inutile de le préciser dans la loi, soit cette notion dépasse le simple droit du travail sans être pour autant précisée et la rédaction retenue méconnaît alors également l'exigence de clarté de la loi.
En outre, cette référence à la notion de « droits » apparaît ici, au-delà de l'incertitude qu'elle soulève, largement inutile, la seule référence à « l'atteinte à la dignité » étant en l'espèce suffisamment explicite.
Il est donc demandé au Conseil de déclarer contraires à la Constitution les mots : « à ses droits et ».14. L'article 217
L'article 217 tend à modifier le régime de représentation des salariés actionnaires dans les organes dirigeants des sociétés, tel qu'il résulte des articles L. 225-23 et L. 225-71 du code du commerce. Or, ces deux articles viennent à peine d'être modifiés par la loi no 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale.
Un telle instabilité des dispositions législatives ne saurait être conforme avec l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, notamment pour les salariés actionnaires directement visés par ces dispositions.
Les travaux préparatoires et les débats de l'Assemblée nationale ont en outre entretenu une évidente confusion sur le contenu réel de cet article , réduisant d'autant les possibilités d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Les rapports parlementaires (rapports no 2809, titre II, page 104, no 3073, titre II, page 114, et no 3385, titre II, page 93, Assemblée nationale, onzième législature) et les interventions en séance publique des parlementaires présentant cet article introduit en première lecture à l'Assemblée nationale (Journal officiel, Débats Assemblée nationale, 3e séance du 11 janvier 2001, page 343) indiquent en effet que la disposition concerne les directoires alors qu'elle vise en réalité les conseils de surveillance.
L'article 217 doit donc être déclaré contraire à la Constitution.III. - En ce qui concerne les griefs tirésde l'atteinte à la sincérité des comptes sociaux
L'article 49 prévoit l'inscription d'une nouvelle dépense au sein de la première section du fonds de solidarité vieillesse visant à faire assurer par ce dernier le règlement de la dette de l'Etat à l'égard des organismes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO.
Par sa décision no 2000-437 DC, le Conseil constitutionnel a justifié la censure de l'article 29 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, identique à l'article 49, parce qu'il « met à la charge du fonds de solidarité vieillesse visé à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale la validation, par des organismes de retraite complémentaire, de périodes de chômage et de préretraite idemnisées par l'Etat : que les organismes bénéficiaires des versements résultant de cette disposition ne sont pas des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ; que, dès lors, l'article contesté n'affecte pas directement l'équilibre financier de ces derniers ».
Le législateur, à l'initiative du Gouvernement, a réintroduit cette disposition dans la présente loi.
Cet article n'en demeure pas moins contraire à la Constitution pour deux raisons.
Premièrement, le fonds de solidarité vieillesse (FSV), depuis la loi organique du 22 juillet 1996, est « un organisme concourant au financement des régimes de base ». Confier au FSV d'autres missions, comme le financement des régimes complémentaires, ne pourrait se justifier que si une forme de « budget annexe » était créée : les charges nouvelles qui lui incomberaient seraient compensées, au franc le franc, par des ressources nouvelles. Dans le cas présent, comme le montre le tableau figurant en dernière page du chapitre Ier de l'annexe f du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui retrace une dépense de 441 millions d'euros en 2001 et de 448 millions d'euros en 2002, l'article 49 prévoit une charge nouvelle, mais sans financement correspondant : les recettes actuelles du FSV, destinées au financement des régimes de base, abonderont les régimes complémentaires des salariés. Il apparaît ainsi contraire aux dispositions résultant du 2o de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale et du f de l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale.
Deuxièmement, l'adoption de cet article rendrait insincère l'annexe f du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Cette annexe précise en effet que les comptes présentés sont « conformes aux principes de la comptabilité en droits constatés », alors que le II de l'article 49 dispose que « les montants dus annuellement en application de la convention mentionnée au I et les dates de versement sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ».
Comme l'indiquait un courrier du directeur du FSV au ministère de l'emploi et de la solidarité en date du 30 novembre 2000, le dispositif proposé par l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, et par voie de conséquence par l'article 49 de la loi de modernisation sociale, est en réalité une inscription comptable selon le principe de l'encaissement-décaissement et non selon le principe des droits constatés (cf. rapport Sénat no 382 2000-2001, p. 149-150). Or, selon le directeur du FSV, il était nécessaire de tenir compte de la charge selon le principe des droits constatés, de telle sorte que : « Sur les deux exercices 2000 et 2001, les créances des régimes complémentaires atteignent 15 milliards de francs ».
Le Gouvernement n'a pas donné suite à ce courrier, qui aurait eu pour conséquence de provoquer un lourd déficit du FSV en 2000 et en 2001.
Mais le principe des droits constatés impose bien l'inscription de ces charges dans les comptes 2001 et 2002, ce que l'annexe f prévue à l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale ne prévoit pas. L'atteinte au principe de sincérité est ainsi manifeste.
Parce que les modalités d'inscription comptable de l'article 49 ne sont pas sincères et pour l'ensemble des raisons développées ci-dessus, le présent article doit être déclaré non conforme à la Constitution.IV. - En ce qui concerne les griefs tirésde l'atteinte à la liberté d'entreprendre
Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, « il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre » - qui a valeur constitutionnelle car « elle découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » - « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (2000-433 DC du 27 juillet 2000 ; 2000-439 DC du 16 janvier 2001 ; 2001-451 DC du 27 novembre 2001).
Les sénateurs soussignés constatent que la présente loi apporte à la liberté d'entreprendre des limitations et que celles-ci sont liées à des exigences constitutionnelles (droit à l'emploi, participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises) ou justifiées par l'intérêt général (préserver « au mieux » les droits des salariés en cas de licenciement économique).
Toutefois, en l'espèce, ils relèvent qu'une erreur manifete d'appréciation constitutive d'une atteinte inconstitutionnelle à la liberté d'entreprendre a été faite à l'article 107 mais aussi sur l'ensemble des articles du titre II.1. L'article 107
Cet article donne une nouvelle définition du licenciement économique qui en réduit de façon limitative les causes. Rédigée au dernier moment, sans intervention du Conseil d'Etat, cette disposition porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.
En effet, avec la nouvelle définition du motif économique proposée par la loi, le pouvoir du juge et de l'administration du travail dans l'appréciation de ce motif est disproportionné en raison non seulement de l'emploi de notions vagues mais aussi parce que l'un des motifs - « difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen... » - va permettre au juge et à l'administration de s'immiscer dans le contrôle des choix stratégiques de l'entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d'entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d'entreprise (Cass. soc., 8 décembre 2000).
Par ailleurs, en limitant la liste des situations économiques permettant de licencier (suppression de l'adverbe « notamment » qui existe aujourd'hui à l'article L. 321-1 du code du travail), le législateur écarte des situations imposées par le bon sens comme la cessation d'activité admise par la Cour de cassation (Cass. soc., 16 janvier 2001).
Or, selon la décision no 88-244 DC du 20 juillet 1988, loi portant amnistie (Rec. p. 119, cons. 22), « tout chef d'entreprise "responsable d'entreprise" peut, en vertu de sa liberté d'entreprendre, fixer les buts et les moyens de sa gestion et organiser son entreprise ».
En conséquence, le chef d'entreprise est libre de recruter mais aussi de cesser en tout ou partie son activité. En effet, la liberté d'entreprendre se conçoit également par la possibilité de son contraire, c'est-à-dire de licencier sous certaines conditions.
Cette liberté d'entreprendre (et de « désentreprendre ») n'est certes ni générale ni absolue et s'exerce dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi (jurisprudence constante du Conseil constitutionnel). Elle doit aussi s'articuler avec un autre principe général qui est le droit à l'emploi figurant dans la Constitution de 1946 et qui justifie les mesures de protection prévues pour les salariés.
Elle n'en demeure pas moins un principe à valeur constitutionnelle et les limitations apportées à celle-ci ne doivent pas excéder « manifestement les sacrifices d'ordre personnel ou d'ordre patrimonial qui peuvent être demandés aux individus dans l'intérêt général » (décision no 88-244 DC du 20 juillet 1988, loi d'amnistie, cons. 26).
Or, les limitations apportées par l'article 107 à la liberté d'entreprendre ne respectent pas ces exigences, puisqu'elles donnent naissance à des impossibilités de licencier sans que les contraintes économiques soient contrebalancées par des contraintes suffisantes d'intérêt général.
Ainsi, à titre d'exemple, un chef d'entreprise qui voudrait cesser ses activités - pour des raisons tout à fait légitimes, ne serait-ce que parce qu'il a envie de s'arrêter de travailler - ne peut pas le faire avec le nouvel article L. 321-1 du code du travail (puisqu'il ne peut plus licencier le personnel de son entreprise pour ce motif) sauf soit à être contraint de continuer son activité soit à artificiellement mettre son entreprise en liquidation judiciaire, ce qui constituerait alors une atteinte indirecte à son droit constitutionnel de propriété.
Cet article doit être déclaré contraire à la Constitution.2. L'ensemble du titre II
L'ensemble du dispositif du titre II de la loi conduit potentiellement à un allongement excessif des procédures qui, pour certaines entreprises, passeraient - entre le moment où elles seraient déclenchées, jusqu'à la date de rupture effective du contrat de travail des salariés licenciés - de 106 jours à 474 jours.
Outre un coût supplémentaire pour l'entreprise, on peut constater l'erreur manifeste d'appréciation commise par le législateur qui, malgré de bonnes intentions, organise un mécanisme totalement pervers. En effet, les motifs visés dans la nouvelle définition empêchent toute mesure de type préventif pour éviter de licencier en présence d'une situation économique dégradée. Or, en allongeant les procédures, on accroît les difficultés de l'entreprise au point que certaines entreprises ne pourront pas éviter le redressement ou la liquidation judiciaire.
Le titre II porte donc atteinte au principe de la liberté d'entreprendre.V. - En ce qui concerne le grief de violationdu principe d'égalité
Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ou que le législateur ait fondé son appréciation « sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif de la loi ».
Six articles de la loi déférée sont de nature à violer le principe d'égalité.1. L'article 48
Les dispositions de l'article 48 prévoient l'abrogation des dispositions de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite ainsi que les dispositions du code général des impôts afférentes à ces plans.
La loi du 25 mars 1997 créait un dispositif d'épargne retraite complémentaire par capitalisation au bénéfice des 15 millions de salariés du secteur privé, à l'instar du régime complémentaire par capitalisation ouvert en 1967 à destination des agents publics, la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, plus communément appelée PREFON.
En droit, ces deux systèmes proposent à l'ensemble des travailleurs des dispositifs d'incitation fiscale, notamment par le biais d'une déductibilité du revenu imposable du montant des cotisations versées.
La suppression de ce dispositif est doublement contraire à la Constitution.
En premier lieu, elle introduit une inégalité devant la retraite entre travailleurs du secteur public et salariés du régime général, alors que l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que la nation « garantit à tous, notamment ... aux vieux travailleurs ... la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».
Or la faculté, ouverte à certains et refusée à d'autres salariés, de se couvrir contre le « risque vieillesse » par des instruments alliant système par répartition et système par capitalisation, introduit une discrimination entre travailleurs non justifiée par des motifs d'intérêt général.
Dans sa décision no 97-388 DC, le Conseil constitutionnel a précisé que « les plans d'épargne retraite ont été institués au profit des seuls salariés relevant du régime général de sécurité sociale ; que les salariés des entreprises et établissements concernés relèvent de manière générale, lorsqu'ils sont soumis à un statut législatif ou réglementaire particulier, de régimes spéciaux de sécurité sociale ; que ces deux catégories de salariés sont dès lors placées dans une situation différente au regard de la protection des régimes de retraite et que le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, ouvrir des droits en matière d'épargne retraite au bénéfice des salariés soumis aux seules dispositions du code du travail ; que toutefois les salariés des entreprises et établissements concernés qui ne sont pas soumis à un régime statutaire relèvent du régime général de la sécurité sociale ; que dès lors ils bénéficient des dispositions de la loi, y compris en vertu d'un accord collectif intervenu avec l'employeur ». Pour sa part, l'article 2 du règlement d'affiliation au régime PREFON dispose que : « Le régime est ouvert à tous les agents de l'Etat et des collectivités locales et assimilés, âgés de soixante-dix ans au plus. Il concerne les personnels civils et militaires de l'Etat, des régions, des départements, des communes, des établissements publics à caractère administratif, industriel ou commercial ».
Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a en outre rappelé que « le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d'intérêt général des mesures d'incitation par l'octroi d'avantages fiscaux ; que celui-ci a entendu favoriser pour les salariés qui le souhaitent la constitution d'une épargne en vue de la retraite propre à compléter les pensions servies par les régimes obligatoires de sécurité sociale ».
Les seuls Français qui n'auraient pas aujourd'hui accès à des mécanismes d'épargne retraite, en cas d'abrogation de la loi du 25 mars 1997, seraient les salariés affiliés au régime général : les fonctionnaires, les exploitants agricoles, les élus locaux et les travailleurs indépendants bénéficient déjà de tels dispositifs.
Il ressort clairement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la création des plans d'épargne retraite n'était pas contraire au principe d'égalité mais au contraire restaurait ce dernier puisqu'elle étendait aux salariés du régime général le bénéfice de dispositions existant déjà sous des formes différentes pour les salariés de droit public, les travailleurs agricoles et indépendants. Le Conseil a rappelé en outre la nécessité que des salariés de droit privé travaillant dans des établissements publics et ne bénéficiant pas de la PREFON puissent bénéficier des dispositions de la loi du 25 mars 1997.
A contrario, l'article 48 prévoit de réintroduire cette inégalité dans le droit français. Or après avoir restauré une égalité entre salariés des secteurs public et privé, le législateur ne peut réintroduire une discrimination non justifiée par des motifs d'intérêt général en ne supprimant qu'une partie de ces avantages. Sans la suppression concomitante des autres systèmes et notamment du système PREFON, car les distinctions existant entre les salariés de droit public et ceux de droit privé ne justifient pas des traitements à ce point différents dans les droits attachés à leur système de prévention retraite, l'abrogation des dispositions de la loi du 25 mars 1997 est contraire au principe d'égalité entre les citoyens devant la loi et devant la protection sociale et, en conséquence, contraire à la Constitution.
En deuxième lieu, cette abrogation introduit une inégalité des citoyens devant la loi fiscale. En effet, tant le système PREFON que les dispositions de la loi que le présent article se propose d'abroger instaurent un principe de déductibilité du revenu imposable des versements effectués par les salariés en vue de se constituer une épargne retraite complémentaire. Cet article ne saurait abroger seulement les dispositifs en faveur des salariés affiliés au régime général sans méconnaître le principe d'égalité des citoyens devant l'impôt tel qu'édicté par les articles 1, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Pour l'ensemble de ces raisons, l'article 48 doit être déclaré non conforme à la Constitution.2. L'article 96
Selon cet article , l'employeur, dans les conditions posées par le texte, doit avoir conclu un accord de réduction du temps de travail portant la durée collective du travail des salariés de l'entreprise à un niveau égal ou inférieur à 35 heures hebdomadaires ou à 1 600 heures sur l'année, ou avoir engagé des négociations. Par principe, la conclusion d'un acte collectif de travail est réservée aux organisations syndicales représentatives de salariés qui dans les entreprises d'au moins cinquante salariés ont la possibilité de désigner des délégués syndicaux. Faute de tels délégués, l'employeur est privé de la possibilité de négocier, sauf à essayer d'obtenir la désignation d'un salarié mandaté dans le cadre du mandatement prévu par la loi du 19 janvier 2000 sur la réduction du temps de travail. Or, ces formules dérogatoires ne permettent pas de conclure tout accord collectif de réduction du temps de travail. Il y a ainsi une différence de traitement entre les entreprises qui n'est pas justifiée.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.3. L'article 107
L'article 107 relatif au motif économique du licenciement va produire inévitablement des conséquences exactement contraires aux objectifs poursuivis, à savoir, mieux protéger les salariés. En effet, la qualification de licenciement économique assure un régime protecteur au salarié. Alors que le législateur a souhaité renforcer cette protection, la nouvelle définition de l'article 107 aboutit à exclure le salarié de cette protection dans un certain nombre de situations jusque-là qualifiées de motif économique. Il y aurait ainsi une rupture d'égalité entre les salariés licenciés alors même que d'un point de vue social et économique ils seront dans la même situation : perte d'un emploi pour un motif non inhérent à la personne du salarié.
Dans une décision no 2000-441 DC du 28 décembre 2000 (loi de finances rectificative pour 2000, disposition relative à l'« écotaxe »), le Conseil constitutionnel a considéré que les différences de traitement qui résulteraient de l'application de la loi n'étant pas en rapport avec l'objectif que s'est assigné le législateur entraînent une rupture d'égalité.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.4. L'article 113
Cet article prévoit que le taux de l'indemnité légale de licenciement (C. trav. art. L. 122-9) est désormais différent suivant que le motif du licenciement est le motif prévu à l'article L. 321-1 ou un motif inhérent à la personne du salarié. On pourrait penser que cette différence s'explique par le fait que le motif économique est non inhérent à la personne du salarié. En quelque sorte, le salarié n'y est pour rien. Il subit la décision de l'employeur, alors que pour le licenciement inhérent à sa personne, c'est son comportement qui explique la rupture du contrat de travail. Les sénateurs soussignés estiment que ce raisonnement est peu pertinent dès lors que le licenciement pour motif inhérent à la personne ne repose pas uniquement sur une faute du salarié. On sait par exemple « que si l'article L. 122-45 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II de ce même code, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé, non pas par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d'un salarié dont l'absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement » (Cass. soc., 16 juillet 1998- 13 mars 2001). Ainsi, le salarié malade qui subit aussi cette situation n'aurait pas droit à l'indemnité légale de licenciement perçue par un salarié licencié pour motif économique.
Cet article doit donc être déclaré contraire au principe d'égalité.5. Les articles 169 et 170
L'article 170 introduit, dans le code pénal, une nouvelle sanction pénale en cas de harcèlement moral.
Or, le IV de l'article 169, modifiant l'article L. 152-1-1 du code du travail et introduit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, prévoit également une nouvelle pénalité en cas d'infraction aux dispositions de l'article L. 122-49 du code du travail, c'est-à-dire en cas de harcèlement moral au travail.
Ces deux peines sont toutefois différentes et apparaissent en conséquence cumulatives : la première prévoit notamment une amende de 15 000 Euros et la seconde institue, elle, une amende de 25 000 F.
Dès lors, le IV de l'article 169 et l'article 170 ne peuvent être conformes à la Constitution :
- soit ils introduisent une double peine pour un même acte et doivent en conséquence être déclarés contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- soit ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnel d'intelligibilité et de clarté de la loi.
Il est donc demandé au Conseil de déclarer contraires à la Constitution les IV et V de l'article 169, ainsi que l'article 170.6. L'article 217
Sur l'atteinte au principe d'égalité :
L'article 217 rend obligatoire la nomination de représentants des salariés actionnaires au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de la société, dès lors que les salariés détiennent plus de 3 % de son capital social.
Une telle disposition porte gravement atteinte au principe d'égalité, tant entre actionnaires qu'entre sociétés, sans qu'aucun motif d'intérêt général n'ait été avancé pour la justifier.
Elle introduit d'abord une rupture d'égalité manifeste entre actionnaires : alors même qu'il serait possible de distinguer diverses catégories d'actionnaires, seule une d'entre elles - les salariés actionnaires - est prise en compte pour être, de droit, représentée au conseil d'administration ou au conseil de surveillance.
Certes, il existe déjà, dans le droit des sociétés, des distinctions entre actionnaires. On peut penser notamment à la reconnaissance des actionnaires minoritaires.
Pour autant, ces distinctions n'emportent pas de conséquences aussi importantes qu'une représentation obligatoire dans les organes dirigeants de la société. Elles se bornent en effet à autoriser une meilleure information afin de garantir une réelle égalité entre actionnaires.
Dans le cas d'espèce, la logique est inverse. La distinction établie vise non pas à rétablir une égalité incertaine dans les faits, mais créer une inégalité délibérée entre catégories d'actionnaires.
A cette rupture de l'égalité entre actionnaires s'ajoute une atteinte au principe d'égalité entre sociétés commerciales qui n'est pourtant fondée ni sur des critères objectif ni sur des critères rationnels.
Le seuil de 3 % apparaît en effet arbitraire et lui-même source d'inégalités entre sociétés. Il n'aura, à l'évidence, pas la même signification selon que la société est cotée ou non et selon la nature de son actionnariat (actionnariat dispersé ou non).
La loi apparaît en outre incomplète car elle ne prévoit pas le cas où la part du capital social détenu par les salariés tomberait en deçà de 3 %. Or, ce critère est éminemment fluctuant dans le temps. Il semble pourtant que la représentation des salariés actionnaires prévue par cet article soit définitive dès lors que le seuil a été franchi une fois. En ce sens, elle introduirait donc une inégalité entre les sociétés en imposant une même obligation pour des situations appelées à évoluer.
Sur la méconnaissance du huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 :
Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose, en son huitième alinéa, que « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
Cette disposition à valeur constitutionnelle a pourtant été ici méconnue par le législateur.
L'article 217 pose en effet clairement une différence fondamentale de traitement entre travailleurs. Les uns - ceux qui détiennent des actions de la société - pourraient participer à la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire de leurs représentants à son conseil d'administration ou à son conseil de surveillance. Les autres, en revanche, qui ne possèdent pas d'actions, seraient écartés d'une telle participation à la gestion de l'entreprise.
Dans le cas d'espèce, le législateur est donc allé bien au-delà de la simple détermination des conditions et garanties de mise en oeuvre de cette disposition à valeur constitutionnelle pour introduire dans la loi des dispositions incompatibles avec celle-ci.VI. - En ce qui concerne le grief de violation de l'article 8de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Selon la jurisprudence du Conseil, il résulte des dispositions de l'article 8 de la DDHC, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de l'égalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère, ainsi que le principe du respect des droits de la défense. Ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire.
En conséquence, le principe de l'égalité des délits et des peines s'applique aux sanctions administratives au même titre qu'aux sanctions pénales et implique que les éléments constitutifs des infractions soient définis de façon précise et complète.
Les sénateurs soussignés estiment que ces principes ne sont pas respectés par l'article 100 de la loi.
En effet, l'article 100 a pour objet de prévoir une information du comité d'entreprise, préalablement à une annonce publique.
Le deuxième alinéa de l'article L. 431-5-1 prévoit que « le chef d'entreprise ne peut procéder à une annonce publique dont les mesures de mise en oeuvre sont de nature à affecter de façon importante les conditions de travail ou d'emploi des salariés qu'après avoir informé le comité d'entreprise ».
Le troisième alinéa prévoit que, « lorsque l'annonce publique concerne plusieurs entreprises appartenant à un groupe, les membres des comités d'entreprise de chaque entreprise intéressée, ainsi que les membres du comité de groupe et, le cas échéant, les membres du comité d'entreprise européen, sont informés ».
En imposant cette information préalable avant toute annonce publique du comité d'entreprise lorsqu'il s'agit d'une entreprise à structure unique ou des membres des diverses instances représentatives du personnel lorsque l'annonce publique concerne plusieurs entreprises d'un même groupe, cette nouvelle disposition entre en contradiction avec le droit des marchés des valeurs mobilières qui prévoit aussi des règles précises de communication de certaines informations. En effet, plusieurs dizaines de personnes vont être, pendant un certain délai, en possession d'informations avant le public.
Or, en droit du travail, le non-respect de cette nouvelle obligation d'information du comité d'entreprise, des membres du comité de groupe et, le cas échéant, les membres du comité d'entreprise européen, est constitutif d'un délit d'entrave et donc passible de sanctions pénales (article L. 483-1 : emprisonnement d'un an et/ou 25 000 F d'amende, L. 483-1-1 et L. 483-1-2).
Parallèlement, l'information financière est encadrée par la réglementation des marchés des valeurs mobilières qui fixe, quant à elle, le principe que tout émetteur doit porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s'il était connu, d'avoir une incidence sur le cours de l'instrument financier concerné (article 4 du règlement de la COB no 98-07 relatif à l'obligation d'information du public). Il est certes prévu que l'émetteur, sous sa responsabilité, peut différer la publication d'une information si la confidentialité est momentanément nécessaire à la réalisation de l'opération, mais à la condition qu'il soit en mesure de préserver cette confidentialité (article 6 du règlement précité). Par ailleurs, il est rappelé que les émetteurs sont tenus de prendre toutes mesures utiles en vue d'éviter l'utilisation abusive et la circulation indue d'informations privilégiées (article 6 du règlement no 90-08 de la COB relatif à l'utilisation d'une information privilégiée).
Cette réglementation est destinée à faire bénéficier les investisseurs d'une information exacte, précise, sincère et d'égale accessibilité. La qualité de l'information délivrée au marché par les émetteurs est en effet une condition nécessaire pour s'assurer de la confiance des investisseurs, du fonctionnement régulier du marché et de la protection de l'épargne.
Aussi, le droit du travail ne donne donc pas les moyens à l'employeur de garantir la préservation de la confidentialité dès lors qu'il a rempli son obligation légale d'informer préalablement à l'annonce publique les instances représentatives du personnel.
En conséquence, cette nouvelle obligation serait en contradiction avec l'article VIII de la Déclaration de 1789 qui prévoit que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
En effet, le respect d'une disposition légale ne peut pas aboutir à être sanctionné, inévitablement, par une autre disposition légale.
Cet article doit donc être déclaré contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.VII. - En ce qui concerne le grief de violation de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen1. L'article 158
L'article 158 étend le mécanisme de lutte contre les discriminations au secteur du logement locatif. La rédaction retenue par ce texte est similaire à celle retenue par la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, dont le Conseil constitutionnel n'a pas été saisi.
Le dernier alinéa n'est pas conforme à la Constitution car il dispose qu'en cas de litige la personne s'étant vu refuser la location d'un logement « présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée ». Ainsi, contrairement aux principes généraux entourant la procédure civile, l'article dispense le requérant de prouver la véracité de ses affirmations.
En effet, les dispositions de cet alinéa épargnent au requérant la charge d'établir des faits prouvant le préjudice subi, et sur le fondement de la présentation d'éléments de faits renversent la charge de la preuve sur le défendeur. Sur la base d'éléments sommaires, voire de simples allégations, la partie défenderesse devra justifier sa bonne foi.
Certes le juge est appelé à trancher en dernier recours, mais l'intervention de ce dernier ne permet pas à elle seule d'écarter les garanties posées par les règles constitutionnelles entourant les procédures civiles et pénales et notamment celle de la présomption d'innocence telle qu'édictée par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Parce que contraire à ce principe, le dernier alinéa de cet article doit être déclaré contraire à la Constitution.2. L'article 169
L'article 169 introduit également un nouvel article L. 122-52 dans le code du travail instituant un aménagement de la charge de la preuve en cas de suspicion de harcèlement moral, aménagement identique à celui introduit à l'article 50 de la loi déférée sur les discriminations en matière de logement.
Pour les mêmes raisons qu'évoquées à l'article 158, il est demandé au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution le nouvel article L. 122-52 du code du travail introduit par le I de l'article 169.VIII. - En ce qui concerne le grief de violationde l'article 20 de la Constitution
L'article 40 prévoit l'organisation par le Gouvernement d'une concertation avec des organisations syndicales sur le sujet de l'élection des représentants des salariés dans les conseil d'administration des caisses de sécurité sociale.
Cet article doit être déclaré inconstitutionnel car consacrant en fait un pouvoir d'injonction du Parlement à l'égard du Gouvernement et limitant ainsi les dispositions du premier alinéa de l'article 20 de la Constitution, selon lesquelles « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».
IX. - En ce qui concerne le grief de violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
L'article 159 refuse à certains bailleur sociaux le droit de fixer le prix de location des meubles lorsqu'ils louent des appartements meublés. Le dispositif prévu par le législateur supprime le mécanisme d'encadrement actuel, reposant sur le principe d'un prix maximal, et dispose que le prix des meubles sera fixé par un arrêté ministériel.
Cet article n'est pas conforme aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui consacrent le droit à la propriété. En effet, la propriété comporte trois éléments distincts, l'usage, l'usufruit, et la nu-propriété. La disposition ici attaquée porte atteinte au droit d'usufruit des bailleurs sociaux concernés puisque ces derniers n'auront plus la faculté de fixer par eux-mêmes, dans les limites d'un plafond, la valeur de location de leurs meubles. Ils sont donc privés d'un droit essentiel attaché à l'exercice de la propriété.
Cette atteinte au droit de propriété n'est par ailleurs pas justifiée par des motifs d'intérêt général puisque les locataires ne pourront pas, à l'avenir, bénéficier éventuellement d'un prix de location inférieur au prix réglementaire.
Cet article doit donc être déclaré contraire à la Constitution.
X. - En ce qui concerne le caractère étrangerde l'article 217 avec l'objet de la loi
L'article 217 de la loi déférée est issu d'un amendement d'origine parlementaire adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 11 janvier 2001.
Or, en l'espèce, il résulte d'un usage manifestement excessif du droit d'amendement reconnu aux parlementaires.
Il apparaît d'abord dépourvu de tout lien avec l'objet du projet de loi tel que déposé à l'origine sur le bureau de l'Assemblée nationale.
L'article 217 modifie en effet le code de commerce et ne concerne que la composition des conseils d'administration et des conseils de surveillance des sociétés anonymes. Il a donc trait au seul droit des sociétés.
L'objet du projet de loi est tout autre puisqu'il se limite au droit social. Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité l'a d'ailleurs clairement énoncé dans son intervention liminaire lors du débat en première lecture, en énumérant, de manière limitative, les deux objets du projet de loi : « Le premier est celui de la sécurité des personnes face aux risques de la vie et du travail. Le second est le droit à l'emploi (...). » (Journal officiel, Débats Assemblée nationale, 2e séance du 9 janvier 2001, page 57).
Il n'aura en outre pas échappé au Conseil qu'au moment où le Parlement commençait la discussion de la loi déférée, l'Assemblée nationale examinait le projet de loi sur l'épargne salariale. L'amendement dont est issu l'article 217 aurait donc pu s'insérer logiquement dans ce texte puisqu'il comprenait un titre V intitulé « Renforcement des droits des salariés dans l'entreprise » et un article 13 spécifiquement consacré à la représentation des salariés actionnaires dans les organes dirigeants des sociétés.
Or, un amendement identique avait été examiné par l'Assemblée nationale lors de la discussion sur l'article 13 de ce projet de loi, le 4 octobre 2000. Mais l'Assemblée nationale avait alors écarté cet amendement pour retenir une rédaction proche de celle du projet de loi initial, fondée sur le caractère facultatif et non obligatoire de la représentation des salariés actionnaires.
Enfin, cet article 74 a finalement été adopté, dans sa rédaction définitive, dès la première lecture de la loi déférée à l'Assemblée nationale le 11 janvier 2001, alors même que la loi no 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale n'était pas encore promulguée, l'Assemblée nationale n'ayant examiné cette dernière loi en nouvelle lecture que le 16 janvier 2001.
Dès lors, l'introduction de l'article 74 par voie d'amendement dans la loi déférée était donc dépourvu de tout souci de respecter un quelconque lien avec l'objet du texte et n'avait manifestement pour objet que d'éviter un nouvel échec à son insertion dans le projet de loi sur l'épargne salariale, alors toujours en cours de discussion, qui aurait pourtant dû constituer le support législatif approprié.
(Liste des signataires : voir décision no 2001-455 DC.)